À Mont-devant-Sassey, le début du XXe siècle s’avère calamiteux.
La famille Farnier est emportée par la grippe et la fonderie de cloches ferme en 1908. Les vignes disparaissent, décimées par le phylloxéra : elles ne seront jamais replantées car les hommes partis à la guerre ne sont jamais revenus. Le moulin et la scierie s’arrêtent.
Le village se trouve dans la zone des combats qui dureront 4 ans : c’est le terrible champ de bataille de Verdun. Mont et les villages alentours subiront les combats et les destructions dès la fin aout 1914.
Les 30 et 31 aout 1914, les combats de Mont-devant-Sassey et de Montigny seront parmi les plus violents à s’être livrés en Meuse. Nombre de membres de l’école d’escrime et de gymnastique de Joinville y prirent part et y laissèrent leur vie…
Le 31 aout, le 124e Régiment d’Infanterie français affrontera un régiment du futur Maréchal Rommel dans le bois de Mont, derrière l’église : les hommes des 2 camps périront jusqu’au dernier. Les villageois retrouveront leurs cadavres et inhumeront ensemble les 22 Français et les 23 Allemands, désormais égaux dans la mort. Les dépouilles ont été transférées dans des cimetières militaires après la fin de la guerre.
Un monument se dresse encore à l’endroit où les villageois avaient aménagé la sépulture provisoire. On y accède par un petit chemin qui monte dans la forêt, au-dessus du vieux cimetière. En 2003, un groupe de scouts belges de la 95e Unité Saint-Henri est venu participer à la remise en état de l’édifice et du site avec les amis de l’église de Mont et des volontaires du village : des travaux de mémoire pour construire ensemble l’Europe de demain…
Chaque année, le 11 novembre, au pied de ce monument, hommage est rendu aux victimes de la Première Guerre, et tout particulièrement à celles de ce 31 aout 1914.
Mais il y a les monuments en pierre… et les autres. Car la guerre a aussi fait une victime civile à Mont-devant-Sassey, bien après la signature de l’Armistice.
À l’angle du porche de l’église se dresse encore un marronnier plus que centenaire. On aurait pu le couper depuis longtemps car il est difforme et éventré, mais l’arbre est une sorte de « monument historique ». En effet, après la guerre 14-18 et le pillage des cloches des églises par les Allemands, chacun a dû trouver un système pour annoncer les offices. À Mont-devant-Sassey, on avait récupéré et suspendu au marronnier devant l’église un tube à hydrogène des compagnies d’aérostiers sur lequel un enfant de chœur frappait avec une barre métallique pour imiter la sonnerie des cloches.
En 1923, le jeune Eugène Trichot sonnait la messe lorsque le tube chargé a accidentellement explosé, tuant net le gamin de 15 ans. Il fut considéré comme victime civile de guerre et une stèle a été posée au pied du marronnier qui rappelle encore aujourd’hui le traumatisme vécu au village.
Il faut savoir que la maman d’Eugène était enceinte de plusieurs mois lors du drame et que la petite fille qui vint au monde fut appelée Eugénie, en souvenir de son frère. Elle a toujours vécu à Mont-devant-Sassey et tous les habitants actuels l’ont encore connue puisqu’elle n’est décédée qu’en 2007.
L’histoire se raconte de père en fils depuis plusieurs générations et personne n’imagine toucher un jour à ce marronnier mutilé, sorte de mémorial vivant qui refleurit miraculeusement à chaque printemps…